Des ceintures écologiques et humaines à base de pneus de vélo

[Article paru sur le site carenews.com]

Transformer des pneus de vélo en ceinture, c’est l’idée un brin fantasque d’un jeune Lillois. Et même si ces pneus ne sont pas recyclables, Hubert Motte leur donne une seconde vie.

A la périphérie de Tourcoing, une des nombreuses idées de Hubert Motte s’est concrétisée au beau milieu d’une zone industrielle encore active, malgré quelques friches désaffectées. Arborant une petite moustache et une tignasse dense, le jeune diplômé de 25 ans est créatif. « Quand j’habitais à Bogota avec lui, il avait une idée par nuit, qu’il notait soigneusement le lendemain matin », raconte Eliott, son ancien colocataire à Bogota. Durant un de ses stages, Hubert se donnait jusqu’à 19 heures pour trouver cinq idées originales.

C’est loin de chez lui, en Colombie, qu’il fait mûrir un projet plus que tous les autres : celui de transformer des pneus de vélo usés en ceintures. « On habitait pas loin d’un bidonville explique Hubert. C’était plein de déchets et de misère. Ça m’a fait réfléchir. Si on fait de nos déchets des produits, je me disais que ça aurait un vrai impact. » Bricoleur, il décide après son stage de fin d’études de faire des essais en janvier 2017, dans sa cave. Il refuse même une proposition de poste d’ingénieur Decathlon pour se lancer dans l’aventure.

Les mains dans le guidon, un atelier de réparation de vélo lillois, lui donne sa matière première : des pneus. En temps normal, ils ne sont pas recyclés et sont donc brulés, ce qui dégagent une intense pollution. « On ne recycle pas un objet dont on ne peut extraire de la matière. Les pneus de vélo sont composés de nombreux produits », raconte Vincent, un ancien de chez Michelin qui est aujourd’hui laveur à vélo. Un pneu c’est du caoutchouc, de l’acier, du noir de carbone, du kevlar … Convaincu par l’économie circulaire, Hubert a voulu remédier à cette situation et leur donne depuis juillet dernier une utilité nouvelle.

Inclusion sociale et recyclage

Pour lancer sa production, ce jeune homme au regard vif a dû mettre sur pieds un process de fabrication. « J’ai été conseillé par des artisans cuirs pour les outils. Au début, je coupais au ciseau par exemple. » De sa cave, il est passé aujourd’hui aux ateliers d’AlterEos. Cette entreprise permet à des personnes en situation de handicap de trouver un emploi. Ils sont quatre à permettre la transformation des pneus en ceinture. Christophe, Jean-Marie, Sébastien et Gaëtan se répartissent les différentes tâches. Il faut d’abord préparer le pneu en le découpant et en le lavant. L’étape suivante consiste à le trouer, poser des rivets, le passant et la boucle de ceinture.

Parfois, les pneus récupérés sont colorés. « On est toujours content quand on nous en ramène, ça fait des ceintures plus originales », s‘amuse Hubert. De toute façon, ces ceintures sont toutes uniques. Et elles sont vendus comme telles. Chaque ceinture a droit à sa photo sur le site internet. Pour les emballer, La vie est Belt mise encore une fois sur le recyclage grâce à des rideaux et des chutes de tissus confectionnés sur place.

« Avoir un impact positif »

Quand Hubert décrit son l’aventure, il parle surtout de ses rencontres. Ce jeune moustachu de 25 ans a le contact facile, un tempérament sociable et une fibre sociale.

« On espère avoir un impact positif sur les autres. Et ça c’est un moteur incroyable. »

Dans une ville au passé industriel et où le taux de pauvreté avoisinait les 26% en 2014 selon l’INSEE, contre 14% sur l’ensemble du territoire, cette initiative sociale apporte du chaleur et travail, mais aussi la sensation que la vie est bel(t) et bien belle. Quand le journal local Nord Éclair s’est penché sur l’entreprise, Christophe, un des employés, était fier de le montrer à tout le monde.

Le compteur de pneus affiche 1 138 pneus recyclés, mais Hubert en a encore sous la pédale. Les idées fusent toujours : bretelles, nœuds papillons … Une créativité bouillonnante qui permettra de recycler encore des milliers pneus, qui trop souvent, partent en fumée dans nos décharges.

Vincent Bresson