Un dimanche chez les mormons

Les mormons de Villeneuve-d’Ascq nous ont ouvert les portes de leur chapelle. Un dimanche pour en apprendre plus sur leur communauté, leur croyance et interroger les idées reçues sur cette religion.

« Les mormons n’ont pas plusieurs femmes et nous ne sommes pas une secte », soutient Christian Carpentier, mormon depuis ses 24 ans. Quand on lui avance certaines idées reçues sur sa religion, le sexagénaire, mine basse, voix nouée, parait affecté. Mais son visage s’éclaircie quand il évoque « les proches, la famille, les amis, qui me défendent dès qu’on se moque de ma religion. » Pour lui, « c’est bien la preuve que tous ces clichés sont inventés par des personnes qui ne connaissent pas les mormons. »

Issu d’une famille catholique, Christian doutait. « Je m’étais marié à 22 ans, mais pas à l’Église, je me questionnais beaucoup sur Dieu, la religion… » C’est à ces interrogations que des missionnaires mormons viennent répondre lors d’un porte-à-porte. Il se convertit en quelques mois. Cette histoire, ils sont nombreux à la partager au sein de la chapelle de Villeneuve-d’Ascq. En ce jour de Sabbat — le dimanche — nombre de fidèles nous expliquent avoir découvert la religion mormone suite à leur rencontre avec des missionnaires.

 

Comme Christian, 38 000 français se revendiquent de confession mormone, une religion en développement continu. Les fidèles de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours,n’étaient que 800 en France en 1950.

Mais le cœur de cette religion se trouve aux États-Unis où vivent plus de 6 des 14 millions de membres revendiqués. Leur siège mondial se situe d’ailleurs dans l’Utah à Salt Lake City, ville construite par les premiers croyants au XIXème siècle. Mais c’est non loin de New York que le prophète Joseph Smith aurait déterré, sur inspiration divine, le Livre de Mormon. « Il vient compléter l’Ancien et le Nouveau Testament. Ce livre relate le l’histoire d’une famille juive qui, sur révélation, quitta Jérusalem pour l’Amérique, 600 ans avant Jésus Christ. », développe Christian. Pourquoi “ mormon “ ? « C’est le nom du prophète qui a compilé l’histoire de ce peuple. »

 

“ On peut paraître pour des extraterrestres “

Évêque à Villeneuve-d’Ascq depuis 3 ans, Adrien Divard officie ce dimanche. Il fait face aux fidèles en robes, jupes ou costards-cravates au sein d’une chapelle lumineuse. Dans la salle où se déroule l’office, ni peinture, ni ornement. Seules les briques rouges tapissent les murs avec sobriété.

Marié avec la fille de Christian, l’activité religieuse d’Adrien demeure extra-professionnelle. Comme tout le clergé mormon, il est bénévole. La semaine il est employé comme business developer dans une entreprise éditrice de logiciels. Il confie être exposé à l’image négative et aux interrogations qui entourent les mormons:

« ON NE BOIT PAS D’ALCOOL, ON NE FUME PAS, ON NE PREND PAS DE SUBSTANCE ILLICITE OU D’AUTRES CHOSES. DONC C’EST VRAI QU’À L’UNIVERSITÉ ON PEUT PARAÎTRE POUR DES EXTRATERRESTRES », SOURIT L’ÉVÊQUE.

La fonction d’évêque occupe une partie de ses journées mais il est fier d’aider les 600 membres que compte sa chapelle. « S’ils ne sont qu’entre 160 et 200 à venir tous les dimanches », Adrien doit partager son temps libre entre sa religion et sa famille. En tant qu’évêque, il assiste des réunions hebdomadaires et se rend disponible pour aider les fidèles dans leur foi et dans leur vie quotidienne.

Au pupitre de l’office, Jean-Claude Cousyn, mormon depuis quarante ans, partage sa gratitude. « Je suis reconnaissant de vivre à cette époque, où notre prophète reçoit la révélation et dirige l’Église rétablie du Christ. » Depuis janvier dernier, Russel M. Nelson, ancien chirurgien de 90 ans, est le nouveau prophète vivant. Même s’ils se revendiquent chrétiens, les mormons ont des différences théologiques notables. « On ne croit pas en la trinité par exemple. Jésus, Dieu et le Saint Esprit sont trois entités distinctes pour nous », explique Adrien Divard.

Et si certains jugent les mormons sectaires, Adrien Divard assure le contraire: « Si quelqu’un ne veut plus être mormon, libre à lui de quitter l’Église. On est pour la liberté individuelle, on ne force personne à rester. On est de plus en plus nombreux en France, cela ne serait pas le cas si on forçait les gens. » Une expansion qui leur a d’ailleurs permis d’ouvrir, en 2017, le premier temple mormon de l’Hexagone. Un événement pour les fidèles qui ne peuvent se marier que dans ces édifices, uniquement accessibles aux baptisés. Un chantier évalué à 80 millions d’euros par Le Monde. Un prix payé par les fidèles qui reversent 10% de leur salaire à l’Église mormone. Cette dîme « n’est pas une obligation, c’est une question de foi » soutient Christian. Avant de se reprendre: « Malgré tout, c’est une loi qu’il nous faut appliquer si l’on veut mériter les bénédictions.

 

Une communauté de “ frères et sœurs “

Ce dimanche, ils sont une petite centaine sur les bancs en bois de la chapelle. Peu à peu, les enfants braillent, râlent, pleurent. On vient à l’office en famille, on se salue et on appelle son prochain « frère » ou « sœur ». Pour Christian: « on est tous fils de notre Père Céleste », le nom que donne les mormons à Dieu. Le déroulement se veut participatif. Les membres sont appelés à s’exprimer sur leur foi, ou plus simplement à fêter l’anniversaire de leur fils. A l’inverse du clergé mormon, très hiérarchisé, l’office se veut plus horizontal. Adolescents, retraités, nouveaux baptisés … Tout le monde peut partager son ressenti.

La première heure est dédiée à la Sainte Cène, durant laquelle les mormons communient. Tout le monde est invité à boire de l’eau ainsi qu’à manger du pain, symboles du sang et du corps de Jésus Christ. L’office terminé, hommes et femmes se séparent pour étudier les écritures. Les groupes sont ensuite divisés en fonction des âges. Ce troisième temps du dimanche est l’occasion d’évoquer la vie de la communauté et surtout de réfléchir autour d’un thème donné. Aujourd’hui, la discussion proposée par un membre se cristallise sur « les bonnes lectures ». Chacun y va de sa réflexion et les débats ressemblent à un café philo saupoudré d’une bonne dose de spiritualité.

 

Différentes origines

La communauté Villeneuvoise accueille des missionnaires : elder Chang, Taïwanais et elder Koshiol, Américain. Deux missionnaires parmi les 75 000 que l’Église mormone revendique. Comme Chang et Koshiol, ils sont nombreux à donner deux ans de leur existence à leur religion. « Si vous voulez, vous pouvez choisir de partager l’Évangile avec les gens (…) nous pouvons partir pour notre mission à 18 ans », raconte Koshiol, originaire de Floride. Ces années de missionnariat sont vouées à la propagation du Livre de Mormon.

L’influence des missionnaires est réelle. Dans la chapelle, ils sont nombreux à avoir été convertis suite à cette rencontre, comme cet homme qui nous confie avoir été de confession orthodoxe avant de devenir mormon. Dalila, elle, est d’origine Kabyle. Elle n’était pas croyante avant de rencontrer des missionnaires. Elle raconte avoir « trouvé la paix » depuis ce jour. De culture musulmane, elle ne croyait pas en l’existence d’un Dieu avant de devenir mormone.

« JE SUIS DE CULTURE MUSULMANE, MAIS JE N’ÉTAIS PAS PRATIQUANTE. MA RENCONTRE AVEC DES MISSIONNAIRES M’A APPORTÉ DES RÉPONSES. J’AI SENTI QUELQUE CHOSE DE SPÉCIAL AU FOND DE MOI. » DALILA

Une fois mormon, tous sont habités par une préoccupation : leur généalogie. Les mormons espèrent baptiser l’humanité entière avant l’Apocalypse grâce aux bases de données généalogiques de l’Église. Pour ce faire, les croyants peuvent célébrer un baptême pour leurs ancêtres. « On croit que Jésus reviendra pour 1 000 ans et qu’il régnera sur Terre. On appelle ça le Millénium. Et nous, notre mission, c’est de sauver les hommes en leur permettant de devenir mormons », argue Christian. Une situation singulière qui a été médiatisée quand des journalistes se sont rendus compte que Charles de Gaulle, Dalila et Louis de Funès avaient été baptisés. Demain, tous mormons ?

Vincent Bresson et François Cesari