Socialter – Au nom du pèze
Depuis quinze ans, Alessandro Di Giuseppe arpente les rues déguisé en pape pour propager la bonne parole de la sainte croissance. Avec ses fidèles, il fait le pari que la dérision est une arme militante.
En ce 1er-Mai à Lille, le traditionnel cortège qui célèbre la journée internationale des travailleurs s’élance, comme chaque année, de la Porte des postes pour rallier la place de la République. Slogans anti–Macron, effluves de barbecue, pancartes bariolées et chasubles syndicaux forment la toile de fond de ce rendez-vous inoxydable : celle de la manifestation, où se mêlent joie et hargne, allégresse et revendications. Dans cette scénographie familière, un homme fait tache. Affublé d’une soutane noire, il harangue la foule qui défile. Soudain, une jeune femme, tombe en adoration à ses pied, comme touchée par la grâce. Le prélat au col romain et au bandana Nike, savoure cet instant en la toisant, puis lui ordonne de baiser ses chaussures dorées. La fille agenouillée s’exécute sur le champ, puis le pontife, sur un air autoritaire, reprend son sermon : « Prenez exemple, rampez devant le grand capital ! ». Les dents autour du prédicateur scintillent et le cercle de paroissiens s’agrandit. « C’est bien, vous êtes 36 », lance-t-il, goguenard, à l’adresse des syndicalistes qui défilent devant lui sans s’arrêter. . Il poursuit : « Résignez-vous ! Mon poulain Emmanuel Macron a gagné, rentrez chez vous ! ».
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Publié le Jun 30, 2022
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Alessandro Di Giuseppe